
Participation des habitants et démocratie participative
PRÉALABLE
L'appellation "démocratie participative" est devenue très à la mode et se revendique de plus en plus souvent, tant du côté de ceux qui la réclament que du côté de ceux qui affirment l'appliquer. Mais qu'en est-il exactement ? Peu savent vraiment ce que cela signifie et nomment ainsi n'importe quelle réunion où sont présents des citoyens. Je trouve très important, principalement de nos jours, de nommer les choses avec leur juste désignation et d'éviter les confusions diverses. En effet, on croit parler des mêmes choses alors que chacun met un sens différent au terme utilisé, ce qui entraîne non seulement la confusion mais aussi l'incompréhension, la déception et la rancœur. C'est aussi faire honneur à notre langue que d'utiliser le mot juste.
Il me semble donc utile de rappeler des bases conceptuelles sur lesquelles reposent l'existence de la démocratie et notamment la différence entre État et Nation. La nation se construit au fil du temps par une histoire et des valeurs communes. Ceci, au point de départ, n'est pas de l'ordre de l'évidence. Prenons l'exemple de la France. Au Moyen Âge, l'Occitanie s'étendait de Bordeaux au Piémont italien en intégrant le massif central, soit quasi la moitié de la France et débordant légèrement au-delà des frontières actuelles côté italien. Au XIIIème siècle avec l'instrumentalisation de l'Eglise et l'Inquisition, également avec les armes (la guerre des Albigeois), elle fut annexée par le roi de France (roi de l'Île de France conquérant). Il en fut de même pour d'autres régions comme le Dauphiné, la Normandie et la Bretagne, etc. Au départ, l'unité du pays France ne s'est pas faite avec l'assentiment des peuples, loin de là ! Ne l'oublions pas car cela fait partie aussi de nos racines et de notre histoire. Il a fallu la révolution de 1789 pour construire une unité par opposition au roi et l'élaboration d'une nouvelle forme de gouvernement, la République. Première appropriation d'un espace commun symbolique, la nation. Le "peuple" se transforme en citoyens multiples libres et égaux.
La nation n'a pas d'identité propre sinon le symbolique et des traités signés au fil du temps ; l'identité nationale est de l'ordre de l'immatériel que sont l'histoire, la culture et les valeurs partagées reposant sur des fondements philosophiques (et non idéologiques car au-dessus des idéologies) reconnus par tous comme essentiels. « Le récit est le moyen par lequel un peuple prend conscience de lui-même et s’inscrit dans le temps long, c’est ce qu’on peut appeler une identité narrative nationale. C’est l’art du roman, comment ne pas voir que ce talent est toujours la caractéristique des grands dirigeants : connaissance intime du passé, compréhension fine des enjeux du présent et vision sûre de l’avenir » écrit Pierre-Henri Tavoillot.[1] Les contours géographiques comme le sentiment d'appartenance se définissent au travers de cet espace commun immatériel, qui se situe au niveau transcendantal, c'est-à-dire au-dessus des expériences diverses vécues, ce qui offre la possibilité de partager du commun malgré les différences concrètes. La symbolisation est rendue visible par le drapeau, l'hymne national et la devise, pour nous Français "Liberté, égalité, fraternité". La question d'identité nationale revient en débat aujourd'hui car l'essentiel a été perdu. Tellement préoccupés par le concret de l'avoir et du vivre bien, n'apparaissent plus que les différences entre nous. Le lien fondamental d'unité a disparu puisque l'immatériel est légué au second plan.
Il serait bon de se remémorer sur quoi repose cette transcendance, cette unité immatérielle. Non pas en incantation comme on l'entend actuellement, cela ne sert à rien, mais en reformulation et en réappropriation véritable des énoncés que sont, histoire et valeurs, les deux étant mêlées. Précision : cette formulation n'est pas de l'ordre des idées, du concept, elle est de l'ordre de l'affectif et des mémoires ancrées en nous comme des gènes collectifs. Mais, comme ce qui se passe pour l'individu déconnecté de lui-même et qui se perd dans ses névroses, un collectif peut nier son histoire, la déformer pour éviter de se confronter à sa propre réalité, interpréter voire renier ce qu'il est, dans le seul but de valoriser et de sur-affirmer son égo en se désolidarisant du groupe d'appartenance originel.
Si la gouvernance, le pouvoir démocratique d'un pays se gagne par la conviction, la discussion et la négociation, une nation elle, ne peut pas exister sur la base de guerres idéologiques et, encore moins sur des guerres civiles. Elle est d'une autre nature.
C'est pourquoi, personne ne peut se dire incarner ni représenter plus que tout autre la nation[2]. Souvenons-nous de ce sentiment fort "d'être la nation", chacun de nous, lors de l'attentat du Bataclan ou lors de l'incendie de Notre Dame de Paris. A été vécue cette perception de nation en chacun de nous et ensemble, cette supra-appartenance qui se ressent comme une énergie d'égrégore et plutôt dans le silence du ressenti. Ne la négligeons pas, ne la rabaissons pas à des marchandages.
Ne confondons pas l'Etat et la Nation.
L'Etat est la forme concrète dont va se doter la nation pour manifester et réguler le vivre ensemble dans cet espace symbolique. L'Etat n'est pas l'espace commun, il est la forme instituée nécessaire pour organiser le comment vivre de façon harmonieuse ensemble et compte tenu de ce qui nous unit symboliquement, pas en opposition à ce qui nous unit intrinsèquement. La démocratie suscite des revendications et des débats aujourd'hui, cependant la démocratie est un des outils de gouvernance de l'état parmi d'autres, et le mode choisi dans notre pays. La vraie question me semble-t-il est, non pas de redéfinir la démocratie, elle existe déjà, bien que : « elle aurait perdu, en cours de route, à la fois le peuple qui la fonde, le gouvernement qui la maintient et l’horizon qui la guide ».[3] mais de redéfinir en amont ce qu'est l'Etat pour la France d'aujourd'hui.
Quelles sont aujourd'hui nos aspirations profondes de gouvernance en tenant compte de tous les enjeux de notre époque ? L'Etat se concrétise par la création d'institutions législatives, juridiques et administratives. La forme actuelle des différentes structures de gouvernement, est-elle adaptée à la transcendance de départ et à l'évolution de penser et d'être de ce groupe "nation" en 2022 ? Apparait dans cette question la nécessité de redéfinir et de se réapproprier les bases de notre espace commun et de les traduire en forme-matière institutionnelle. Nous verrons alors, dans ce second temps, s'il faut modifier ou pas nos institutions et comment.[4] Est oublié constamment ce rattachement aux soubassements fondamentaux. Parfois des réformes institutionnelles sont proposées mais elles apparaissent alors, comme l'idée du moment, sans lien profond avec les origines et créent donc polémiques idéologiques plutôt que des discussions sérieuses partagées sur notre volonté commune. Ceci posé et résolu, apparaîtront ipso facto les contours d'une démocratie adaptée à notre temps.
La démocratie est une forme de gouvernement dit "du peuple, par le peuple et pour le peuple" définie par la célèbre formule concise et puissante d’Abraham Lincoln, où l'individu-citoyen est appelé à participer à la "res publica", la chose publique ; il fait partie intégrante de la République. Mais la démocratie peut s'actualiser de différentes manières. Il ne s'agit pas seulement d'un mode de gouvernement des affaires publiques. Si la démocratie s'appuie sur des valeurs partagées d'égalité des droits et des devoirs communs et le droit à l'expression, elle n'est pas qu'une technique, elle est également (elle devrait être) un état d'être ensemble dans une nation, ce que nous oublions très souvent.
Un gouvernement démocratique se manifestera dans sa manière de gouverner, selon l'interprétation, l'intention et les actes concernant cette notion de représentation du peuple. Toutes les options sont possibles et se vérifient dans le monde actuellement ; entre un régime qui tend vers la dictature - je suis élu donc je représente à moi seul le peuple et seul, je sais ce qui est bon pour lui - et un gouvernement qui assume ses responsabilités de représentants du peuple tout en étant conscient de la complexité des situations et l'équilibre à trouver nécessairement entre l'expression des libertés et les règles qui donnent un cadre dans lequel peuvent s'exercer ces libertés, ce que l'on nomme l'état de droit. Les démocraties occidentales se heurtent aujourd'hui à l'évolution des mentalités et, malgré cela, au maintien des habitudes gouvernementales héritières des temps anciens ; elles sont donc appelées à redéfinir clairement ce que signifie cette "représentativité" si elles veulent se maintenir sur des bases saines. Trouver un juste équilibre entre le pouvoir du peuple-citoyens et le pouvoir des gouvernants. La question posée en arrière-plan est : comment savoir ce qui est bon pour le peuple et pour le bien-vivre ensemble et est-ce au gouvernement de tout résoudre ? Et donc, quel est son rôle ? Y a-t-il des limites à la liberté du gouvernement, comme des limites à son inaction ? Question cruciale aujourd'hui et qui se révèle entre autres, à travers la gestion de la pandémie coronavirus où le pouvoir s'est manifesté très autoritaire et dans un sens unique, c'est-à-dire refusant tout débat contradictoire possible, poussé par ce désir absolu de "sauver le peuple" y compris malgré lui. On le sait la posture du sauveur, dans n'importe quel domaine, fait perdre la distanciation minimum pour maintenir le cap à propos de sa juste place. La posture de gouvernant est toujours délicate à trouver car à l'intersection de multiples paramètres. Seule une ligne de conduite claire, que je nomme philosophie de l'action s'appuyant sur les fondamentaux nationaux, peut éviter les errements. En France, on oscille depuis longtemps et tous les jours, quel que soit le gouvernement, entre plusieurs courants de management politique ; nous avons des difficultés à lâcher nos héritages de culture pyramidale - même si nous les dénonçons - et l'aspiration au maintien de l'état providence. Contradiction typique de la période de l'adolescence !
Je pense également que le "peuple" est une identité floue et ne correspond plus à la situation actuelle malgré que certains partis continuent de surfer sur ce concept. Le peuple est devenu au fil du temps "citoyen" et les citoyens ne se reconnaissent plus dans cette notion de masse que l'on essaie de manipuler au travers de "l'opinion générale".
Les citoyens ont conscience des dérives dans la forme de gouvernance et de l'appropriation par certains des fonctions qu'ils occupent dans leur seul intérêt. Ainsi, ne faisant plus guère confiance aux élus ni aux instances représentatives qu'ils estiment éloignés de la base, ils réclament davantage de pouvoirs pour influer sur les décisions politiques. De plus, pour essayer de limiter cette défiance, des élus et maintenant le gouvernement, tentent d'associer davantage la population afin, entre autres, de réveiller leur sens civique et politique en les sollicitant pour discuter des politiques publiques. C'est une ouverture à plus de démocratie (on le nomme ainsi) et l'on peut s'en réjouir à condition que ce soit fondé sur une véritable intention démocratique et non sur un leurre ou un faire-valoir. Alors, de quoi s'agit-il ?
Précisons que le peuple France, comme beaucoup d'autres pays, a choisi le mode représentatif de la démocratie. C'est-à-dire que le citoyen ne siège pas directement dans les instances de gouvernance mais choisit par élection, celui-celle qui le représentera au mieux dans ce pouvoir de décision.
LA PARTICIPATION DES HABITANTS-CITOYENS NOMMÉE DÉMOCRATIE PARTICIPATIVE
Je distingue trois phases dans la mise en place d'action dite participative et sous mode représentatif ; la quatrième étant la seule véritable démarche de démocratie directe et participative lorsqu'elle est bien menée.
L'information
Des réunions d'information peuvent être organisées notamment au niveau municipal, pour informer les habitants d'un projet. Il s'agit la plupart du temps de donner à la population des précisions concernant cette action et ses modes de réalisations. Très souvent, le projet est déjà établi et même voté en conseil municipal. Des questions peuvent être posées lors de cette réunion mais seulement pour avoir des explications techniques ou quant à la durée de réalisation mais guère sur le fond, et si cela existe, cela est vite évacué par l'élu. Le débat n'a pas lieu d'être puisque tout est déjà décidé !
La concertation
Le plus souvent, des réunions de concertation ont lieu avec des acteurs locaux tels que professionnels ou associations du secteur concerné, exemple : réunions avec l'association des commerçants, les associations sportives, etc. Il s'agit de discuter de la situation présente et envisager d'éventuelles améliorations ou du changement de position de la municipalité. Parfois ce peut être une véritable concertation entre plusieurs acteurs à l'instigation des pouvoirs publics, pour harmoniser les pratiques et tendre vers une meilleure prise en compte collective du problème posé. Les habitants, voire les bénéficiaires de ces actions sont exceptionnellement participants à ces réunions.
N'oublions pas la loi Barnier de 1995 en matière de débat public, qui oblige à la concertation pour tous les grands projets ayant des incidences sur l’environnement. Là encore, cette loi, au plan des principes, reconnaît ce droit à la concertation mais elle est rarement appliquée et ne reconnait aucune obligation formelle.
La consultation des habitants ou des citoyens.
C'est ce qui se fait de plus en plus souvent. Deux pratiques existent :
1- Consultation ouverte à tous.
Chacun, individuellement, peut donner ponctuellement son avis sur un projet, notamment par internet à partir d'un lien donné par la structure qu'elle soit régionale, nationale ou européenne. Ce peut être également au niveau municipal, notamment concernant les enquêtes publiques où un commissaire enquêteur est désigné par le Préfet et reçoit les avis écrits des administrés ou des associations.
À un niveau plus collectif, des réunions peuvent être organisées où sont invités les habitants, par exemple pour l'aménagement ou la réhabilitation d'un quartier. Ces réunions sont ponctuelles. Le maire ou l'élu concerné commence par une information, s'en suit un moment de questions-réponses et la municipalité recueille les avis. C'est rarement suivi d'autres réunions ni même d'un compte-rendu écrit donné à la population.
2- Création de comités consultatifs.
Cette formule est très utilisée depuis quelques temps à l'échelon local et de façon plus récente au niveau national et européen. C'est ce qui est désigné sous le vocable de démocratie participative mais ce, par erreur. En effet, les participants sont désignés par des moyens variables et sont censés émettre un avis ressemblant à celui de la population, mais ils n'expriment que leur avis propre. L'avantage est que des opinions, des avis sont partagés, discutés pour ensuite faire des choix de propositions. Cela permet de prendre acte d'une part, de la divergence des points de vue et de la nécessité de compromis pour trouver une conclusion commune, d'autre part, de percevoir la complexité de la situation qui oblige un certain détachement des idées toutes faites comme un détachement de ses intérêts personnels. En cela, je salue de telles démarches qui sont de bonnes expériences d'apprentissage citoyen, comprendre par le concret ce qu'est une décision politique. Pour autant, je considère que nous ne sommes pas dans une démarche de démocratie participative, nous sommes toujours dans l'expression de la démocratie représentative, même si la forme en est différente.
Je prends exemple en France de la "convention citoyenne pour le climat" dont on a beaucoup parlé. Les personnes ont été tirées au sort. Les modalités de ce tirage au sort me sont inconnues (tirage au sort ou cooptation déguisée ?), mais qu'il soit bon ou moins bon, il ne s'agit que d'un échantillonnage censé représenter les différentes catégories de la population française. Ces personnes siègent et discutent entre elles, et ce qu'elles expriment à la fin, est l'avis de cette convention pris comme avis général des français. On est donc dans un acte de "participation" à l'élaboration politique mais dans un système de représentativité et de plus sans en connaitre réellement les modalités. Certes, ce qui est nouveau, c'est l'élargissement du système représentatif. Ponctuellement, d'autres instances représentatives complètent la représentation parlementaire, pourquoi pas ! Cela peut être intéressant, mais ce n'est qu'un degré de démocratie participative, et laissant croire aux participants qu'ils ont un mandat et qu'ils doivent être écoutés. Or, quel est le contrat entre eux et l'instance mettant en place ce conseil consultatif ? Reposant sur quelle disposition législative ? Sans oublier que cette forme de représentation peut être contestable démocratiquement notamment à l'échelon national, puisque le parlement existe et que son rôle et sa légitimité est de représenter les citoyens.
Si de telles instances consultatives s'avéraient intéressantes, il serait plus judicieux et démocratique qu'elles soient mandatées par le Parlement et en lien avec une commission parlementaire et non rattachées au gouvernement.
La démocratie participative, si elle est valable, n'est pas un gadget ni un faire-valoir et ne doit pas supplanter les instances démocratiques officielles !
Par l'élection des élus au niveau local comme au niveau du Parlement, je délègue à quelqu'un le droit et le devoir de me représenter. Et, par mon vote, j'ai la possibilité de choisir qui me semble le mieux placé pour représenter mon point de vue sur la politique et l'avenir souhaité de la société locale ou nationale, ou encore européenne.
A travers les conseils consultatifs comme la convention citoyenne dernièrement, je n'ai pas le choix des participants, mais ils me représentent malgré tout en quelque sorte et sans aucune légitimité démocratique, selon le bon vouloir des gouvernants. Parce qu'il n'y a pas d'élection, c'est considéré comme démocratie participative et c'est faux. Oui, il y a "participation" de citoyens mais sur délégation que leur donne l'État, ou la collectivité locale dans d'autres cas. Ne confondons pas participation et démocratie participative ! Gardons le terme plus juste et sans ambiguïté de comités consultatifs.
Nous pouvons pareillement, prendre en exemple les "conseils de développement" institués en 1999 par la Loi Voynet et confortés en 2014 et 2015 par les Lois MAPTAM et NOTRE par leur inscription dans le Code Général des Collectivités Territoriales (art. L5211-10-1).
L'objectif poursuivi est d'établir des stratégies d'aménagement et de développement durable au sein d'un territoire, développement pris au sens de tous les aspects de la vie locale - santé, culture, transports, économie, communication, protection des espaces naturels, etc. - et en s'appuyant sur les potentiels existants. Ceci s'inscrit dans le cadre d'une politique nationale qui se dessine à tous les échelons institutionnels dont la région et le département.
L'article 23 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 précitée est ainsi rédigé :
« Art. 23. - Dans une aire urbaine comptant au moins 50 000 habitants et dont une ou plusieurs communes centre comptent plus de 15 000 habitants, le ou les établissements publics de coopération intercommunale compétents en matière d'aménagement de l'espace et de développement économique, s'il en existe, et les communes de l'aire urbaine qui ne sont pas membres de ces établissements publics mais souhaitent s'associer au projet élaborent un projet d'agglomération. Ce projet détermine, d'une part, les orientations que se fixe l'agglomération en matière de développement économique et de cohésion sociale, d'aménagement et d'urbanisme, de transport et de logement, de politique de la ville, de politique de l'environnement et de gestion des ressources selon les recommandations inscrites dans les agendas 21 locaux du programme "Actions 21" qui sont la traduction locale des engagements internationaux finalisés lors du sommet de Rio de Janeiro des 1er et 15 juin 1992 et, d'autre part, les mesures permettant de mettre en œuvre ces orientations.
Un conseil de développement composé de représentants des milieux économiques, sociaux, culturels et associatifs est créé par des délibérations concordantes des communes et des groupements ci-dessus mentionnés. Le conseil de développement s'organise librement. Il est consulté sur l'élaboration du projet d'agglomération. Il peut être consulté sur toute question relative à l'agglomération, notamment sur l'aménagement et sur le développement de celle-ci."
Quiconque peut s'inscrire, mais le choix des participants in fine, est fait par les élus, avec un nombre de participants défini à l'avance, et essayant de tenir compte de l'âge et du sexe parmi ceux qui se sont proposés et veillant à une bonne représentation de professionnels et d'associations. Le président du conseil de développement est désigné par le président du conseil d'agglomération. Ces conseils de développement peuvent se saisir eux-mêmes de sujets à traiter ou ils peuvent être saisis à la demande du conseil d'agglomération. Cela devient donc une sorte de chambre d'experts locaux - en tant qu'expertise d'usage, c'est-à-dire du fait de leur connaissance et leur pratique concrète du territoire - mandatés par la communauté d'agglomération mais aucunement par les citoyens, et sous l'égide de celle-ci. De plus, il y a un manque évident d'information auprès de la population des travaux qu'ils réalisent. Ils fonctionnent donc un peu en cercle fermé avec les élus comme interlocuteurs. Je pense que la plupart des citoyens ignorent même leur existence.
Ces instances de consultations instituées par la loi ou occasionnelles génèrent de l'ambiguïté entre démocratie représentative et démocratie directe.
Il est également important de souligner que les conseils consultatifs ou les instances de démocratie participative n'ont en aucun cas, un pouvoir décisionnel. Ce sont des lieux délibératifs et d'aide à la décision de ceux qui ont la charge politique officielle, c'est-à-dire les représentants élus. Les élus ont le devoir (légal ou moral ?) d'écouter, de lire les conclusions de ces instances et même d'en débattre en leur sein, mais ne sont pas dans l'obligation d'en appliquer les propositions. Ces instances permettent aux élus d'avoir connaissance des souhaits des participants, et donc à priori d'une partie de la population, sorte de test sur la faisabilité ou pas, pour leurs décisions futures. Il est important de souligner également que les participants à ces instances travaillent sur le sujet proposé mais ne peuvent pas avoir connaissance de tous les enjeux concourant à la réalisation des actions qui vont en découler, ni des effets secondaires inévitables que seuls, les politiques en réelle posture de responsabilité peuvent et doivent appréhender, d'où un certain décalage inévitable entre les protagonistes d'autant plus important au niveau national. Les députés, les ministres ont une connaissance élargie des problèmes, ils ont des contacts, des échanges avec leurs collègues au niveau national, européen et international, ils sont donc à même de mesurer les enjeux et les stratégies à adopter compte-tenu de ces paramètres que les citoyens ignorent en grande partie.
Pour moi, ces instances consultatives auraient davantage leur utilité à l'échelon local. Elles pourraient être du registre de la démocratie participative si elles étaient en capacité de discuter avec les instances politiques officielles, de présenter clairement leur travail (et pas seulement les conclusions) et que, après un temps de négociation, soit établi ensemble, un calendrier et les modalités d'exécution des propositions, validées ensuite ou non par l'instance délibérative. Là, il y aurait alors une véritable reconnaissance et l'utilité avérée de ces instances consultatives citoyennes. Mais ni les institutions françaises ni la mentalité des citoyens et des élus, n'ouvrent cette perspective à ce jour, sauf peut-être de rares exceptions ! En effet, il est important que chaque partie soit à sa juste place ; il y a un apprentissage à faire tant par les responsables politiques que par les citoyens. Les élus ont à considérer les participants à ces groupes comme de véritables partenaires. Les citoyens ont à apporter une véritable aide à la décision publique, c'est-à-dire procurer ce qui manque aux élus : un certain regard sur les choses, des informations précises et concrètes, une analyse pragmatique qui complète celle des responsables politiques et, à partir de cela, la définition d'objectifs souhaitables et des propositions quant aux moyens à mettre en œuvre. Autant de points qui sont à débattre. Les citoyens n'ont pas à établir une liste de ce que doivent faire les politiques, ils n'ont pas à jouer aux décideurs. La tentation de dérive de la fonction et l'illusion de puissance peuvent être à l'œuvre et nourrir des conflits inutiles, des frustrations et des rancœurs néfastes pour les deux parties. Ils doivent apporter des éléments de réflexion et d'analyse auxquels les élus ne sont pas habitués ou du fait qu'ils ne peuvent pas tout savoir. Apporter un plus, pour que les élus aient davantage d'outils de connaissances pour prendre la décision et avec plus de discernement.[5]
La démocratie de proximité, dite participative
Dans les années 1960-1970, des Comités de quartier furent constitués spontanément, notamment à Marseille[6], puis en 1977 à Roubaix ; ils existaient également dans certaines communes selon la volonté des citoyens et l'accord des municipalités ouvertes à cette opportunité. Ils étaient des lieux d'information, de débats et de réflexions sur la vie du quartier et les projets éventuels d’aménagement et d'amélioration. Une appropriation par les habitants eux-mêmes, de leurs conditions de vie dans le quartier et leur place dans la vie communale.
Ils furent ensuite institués par la Loi n° 2002-276 du 27 février 2002, dite loi Vaillant, relative à la démocratie de proximité (Présidence de J. Chirac, Premier Ministre L. Jospin). Ils prirent officiellement le nom de conseils de quartier. Si cette loi était attendue par certains, elle fut aussi une déception car ce conseil devint très encadré par l'instance politique locale.
Art. L. 2143-1. - "Dans les communes de 80 000 habitants et plus, le conseil municipal fixe le périmètre de chacun des quartiers constituant la commune.
« Chacun d'eux est doté d'un conseil de quartier dont le conseil municipal fixe la dénomination, la composition et les modalités de fonctionnement.
« Les conseils de quartier peuvent être consultés par le maire et peuvent lui faire des propositions sur toute question concernant le quartier ou la ville. Le maire peut les associer à l'élaboration, à la mise en œuvre et à l'évaluation des actions intéressant le quartier, en particulier celles menées au titre de la politique de la ville.
« Le conseil municipal peut affecter aux conseils de quartier un local et leur allouer chaque année des crédits pour leur fonctionnement.
« Les communes dont la population est comprise entre 20 000 et 79 999 habitants peuvent appliquer les présentes dispositions."
Bien que ces conseils soient obligatoires ou possibles selon la dimension de la commune, ils n'existent pas partout et sont sous la dépendance du bon vouloir du maire, tant dans leur forme que dans leur composition. De plus, ils sont toujours animés par un élu local.
Puis le gouvernement, continuant sa vision de répondre aux besoins locaux et en associant les acteurs de terrain ainsi que la population, crée de nouvelles instances dans la cadre des actions concernant les quartiers prioritaires :
Les Conseils citoyens ou assemblées citoyennes
Les conseils citoyens ont pour objectifs la participation directe et active de l'ensemble des acteurs des quartiers prioritaires. Ce collectif d'habitants et d'acteurs du quartier (associations, commerçants, professions libérales,...) permet la création et la réalisation de projets ou d'actions pour améliorer la vie du quartier. Ces actions s'inscrivent dans le cadre de la politique globale en faveur des quartiers prioritaires, indépendamment des pouvoirs publics. Les élus et représentants de l'Etat ne sont pas présents mais peuvent être sollicités éventuellement pour une question précise. Depuis la loi du 21 Février 2014 sur la programmation pour la ville et la cohésion urbaine, la création des conseils citoyens est obligatoire dans chaque quartier prioritaire de la politique de la ville. Ceux-ci, dans certaines conditions, peuvent se substituer aux conseils de quartier.
Chaque conseil citoyen, nommé parfois assemblée citoyenne à tort compte-tenu de sa composition, est reconnu par le Préfet. Il se compose d'un collège d'habitants - tirés au sort (une fois de plus !) dans le respect de la parité entre les femmes et les hommes - et d'un collège de représentants d'associations et d'acteurs locaux directement implantés dans le quartier prioritaire concerné. Là également, se pose la question du retour d'information à l'ensemble des habitants du quartier et leur participation éventuelle à certaines réunions … ce qui validerait le fait démocratique !
Les comités de quartier, qui étaient au point de départ la forme de démocratie directe et participative choisie par les habitants-citoyens, sont devenus peu à peu des lieux où l'expression des élus et des autres partenaires institués se manifeste fortement. Les citoyens ne sont plus seuls à débattre entre eux, mais constamment avec d'autres qu'ils soient élus, professionnels ou représentants d'associations. La parole citoyenne en tant que telle, ne peut pas ni se manifester, ni s'exprimer librement avant d'être présentée aux partenaires locaux. On peut s'interroger sur cette confiscation permanente, quel que soit le gouvernement en place. Comme si, en France, les citoyens étaient considérés comme incapables d'une pensée collective dûment élaborée entre pairs, reconnue et affirmée par la loi.
On peut remarquer également, cette perpétuation d'instituer des structures nouvelles à chaque problème rencontré. Cette habitude de catégoriser, d'apporter une réponse spécifique au lieu d'embrasser l'ensemble de la vie locale, continue sans cesse, ce qui multiplie les instances à ne plus savoir qui fait quoi et pourquoi ! Dans les faits, n'y a-t-il pas une sorte de concurrence entre les conseils de quartiers et les conseils citoyens ? Cela ne conduit-il pas, directement ou indirectement, à restreindre le rôle des conseils de quartiers qui vont se transformer - comme c'est le cas déjà dans plusieurs endroits - en sortes d'associations de quartier chargées de l'animation du quartier et se contenter de loisirs et fête locales, parfois même avec une sorte de rivalité inter quartiers ?
C'est la mode de parler sans cesse de démocratie participative mais celle-ci n'est-elle pas confisquée ? Ces conseils s'apparentent davantage aux comités consultatifs cités précédemment. Les élus en font le choix et les habitants s'en contentent sans en relever l'ambiguïté !
Toutefois et heureusement, des expériences intéressantes ont existé et existent encore dans certaines communes. Lorsque la municipalité reconnait le bien-fondé, la qualité et les compétences du comité de quartier, celui-ci peut alors, devenir un véritable interlocuteur concernant la vie municipale comme celle du quartier et peut réellement influer sur les projets d'aménagement par exemple. Je me souviens du comité de quartier où j'habitais auparavant, à Cachan, qui avait travaillé sur la question de la circulation et de l'accès à la N20 dangereux en voiture sans feu tricolore. Revisitant ce lieu, j'apprends qu'un même débat, et presque avec les mêmes méthodes, a eu lieu récemment autour des modifications entraînées par la construction de la ligne 15 Grand Paris sur ce même quartier : réunions, débat, ateliers, constitution d'un dossier, concertation avec la ville mais aussi avec la Société du Grand Paris, etc. À noter qu'un conseil des étrangers non UE existe et a participé également à ces débats. Je ne suis pas sur place pour juger de la qualité de cette action mais elle existe bien, ce qui est loin d'être le cas dans ma commune actuelle et sans doute dans bien d'autres ! Souvent, les mots de démocratie participative s'utilisent mais ils ne se traduisent que rarement en actes ni même en intention véritable ! Pourtant, c'est bien dans ces instances locales que se perçoivent et s'expérimentent ce qu'est la considération du bien commun et l'élaboration d'une pensée collective pour le modifier et l'améliorer. Là, le vivre ensemble et l'acte démocratique se vivent et s'actualisent ; les citoyens reconnus et responsabilisés prennent conscience du politique, et donc de l'agir en politique, vecteur de compréhension et d'ouverture vers la politique générale.
Expérimentation pour les citoyens mais aussi test et expérimentation pour les élus.
Par expérience, je sais que la participation à un groupe, l'animation de réunion avec la régulation de la parole, la canalisation des égos ou des émotions fortes, la distanciation avec les intérêts personnels ou catégoriels, sont difficiles. Aussi, je considère que ces instances de démocratie directe doivent être accompagnées par des personnes habituées et formées à la dynamique de groupe, au moins pendant un temps d'apprentissage. Si je reprends le comité de quartier auquel j'ai participé dans les années 2000, nous étions deux-trois personnes habitant le quartier et en capacité d'animation de groupe ; sans se le dire, on se relayait spontanément dans ce rôle parfois épuisant, surtout quand une personne décidait de s'écouter elle et pas les autres ! Mais nous avions la chance d'avoir comme animateur, l'élu de quartier qui avait choisi de par ses compétences, sa vision politique et aussi sa personnalité, d'assumer le rôle de régulateur et de facilitateur. C'est-à-dire, qu'il n'intervenait que pour aider le groupe quand il y avait blocage ou pour répondre à une demande d'informations que nous lui adressions. Il laissait le groupe aller sur son chemin. Il avait la posture juste par rapport aux objectifs de cette instance démocratique. À l'époque c'était sur la commune, le seul comité de quartier qui fonctionnait ainsi et qui a mené à bien un projet. Dans un autre quartier, l'élue, enseignante, avait peur d'être dépassée par les événements et dirigeait le comité avec forte autorité au point que les habitants ne pouvaient quasiment pas parler ou évoquer des choses nouvelles. Dans un autre, l'élu manifestait son inaction et son indifférence tel que le groupe n'a pas réussi à se structurer pour construire l'ébauche d'un projet commun !
Cette question est abordée dans le compte-rendu de la démarche de démocratie participative que j'ai menée avec une collègue dans une ville moyenne (Cf. le PDF). Les élus, pour la plupart, ne sont pas formés à la dynamique de groupe et surtout, ils se sentent obligés, de par leur statut d'élus du peuple, d'être au-dessus des citoyens et de pouvoir répondre à tout ; bref, ils ne peuvent pas être pris en défaut de quoi que ce soit, de peur de s'estimer eux-mêmes, ou d'être considérés par d'autres, incapables d'assumer la fonction. Ils doivent donc paraître indispensables, omniscients et sûrs d'eux. Bien sûr, ce n'est ni possible ni réaliste et c'est incompatible avec la démarche de démocratie participative. Cette attitude n'est pas systématiquement liée au désir de pouvoir, même s'ils imaginent perdre leur pouvoir s'ils en donnent un peu aux citoyens, comme s'il s'agissait de vases communicants ! C'est pourtant l'inverse qui se passe : plus je laisse la place et le pouvoir de dire et de faire à d'autres, plus j'acquiers en retour, force et renforcement de mes compétences. Ce qui se manifeste dans cette attitude est, pour beaucoup, le reflet de l'idéal du moi qu'ils se font, comme une condition de puissance sine qua non à leur statut d'élu, "je dois tout savoir, donc je sais tout et j'ai raison" ! C'est ainsi que les citoyens et notamment ces conseils de quartier peuvent être ressentis comme des dangers car ceux-ci peuvent montrer des capacités et des analyses de la situation différentes mais non moins utiles.
L'apprentissage de l'humilité, de la vulnérabilité, et de la richesse en retour de la non maîtrise et de l'ouverture au dialogue, aux connaissances partagées, seraient à inscrire dans la formation des élus.
La démarche de démocratie participative
La démocratie participative est une forme d'expression directe de la population et au sein d'un collectif de citoyens ouvert à tous, quel que soit son statut, sa fonction, son appartenance. Peut-être pourrions-nous choisir le terme plus approprié et moins ambigu de "participation démocratique" ? Elle se pratique sans aucune délégation à qui que ce soit. Pour moi, excepté le référendum possible à un niveau national, elle ne peut s'appliquer qu'à un niveau local qui seul, peut permettre l'accès direct à tous, l'intérêt et la connaissance réelle du sujet traité.
Je parle de démarche de démocratie participative et non d'action car, comme je l'ai précisé précédemment, cette posture citoyenne est particulière, elle ne s'improvise pas, elle nécessite un temps d'adaptation à cette nouvelle forme d'activité citoyenne et des comportements différents que ceux pratiqués habituellement, surtout de nos jours. Cela demande un effort personnel et collectif pour quitter les a priori, les récriminations répétées en leitmotiv, écouter et respecter l'autre et sa pensée sans aucun jugement, pour aller de l'avant et créer un devenir commun. De plus, il y a nécessité d'un travail dans la durée pour circonscrire le sujet à traiter, recueillir les informations, les analyser, débattre, établir les priorités, définir les objectifs et ensuite les moyens ainsi qu'un calendrier éventuel. Vient ensuite la rédaction d'un document circonstancié, sa présentation aux élus concernés, des discussions avec les élus et un suivi de l'action, sans oublier le retour régulier auprès de l'ensemble du groupe et aussi auprès des habitants. Ce n'est pas une action rapide et ponctuelle, c'est un engagement citoyen tant que la question traitée n'est pas arrivée au terme de ce qu'il est possible de faire.
Autre paramètre très important, les personnes participantes doivent parler en leur nom propre. Dans cette instance, elles ne sont pas en représentation d'une catégorie de la population ou d'une profession pas plus que d'une association ou d'un parti politique[7] ; chaque individu citoyen s'exprime pour lui-même, détaché le plus possible des croyances diverses ou des pressions environnantes pour être dans l'ouverture et l'accueil du nouveau possible. Seul, ce positionnement permet une réelle égalité de parole et l'égalité des places au sein du groupe. Il est très important de veiller à cela en permanence.
Chacun - et tous collectivement - est garant du bon fonctionnement du groupe et du respect des objectifs fixés ensemble.
En tant que consultante en action sociale spécialisée sur le développement social, j'ai été sollicitée pour accompagner avec une collègue, une telle démarche forte instructive et une très belle expérience pour chacun.
En 2002, Madame le Maire de Saintes, nouvellement élue, fait adopter par le conseil municipal, une démarche de démocratie participative dans le but de réhabiliter une place ancienne où siège un arc romain, ancien lieu de passage historique pour accéder à l'autre rive de la Charente. À cette époque, l'arc se dressait, entouré de chaînes pour en éviter l'accès, et au milieu d'un parking rempli de voitures. Le pauvre devait bien se demander ce qu'il faisait là dans un tel contexte ! Une réunion, ouverte à tous les habitants, avait eu lieu pour présenter le projet : imaginer une nouvelle place, mettant à l'honneur cet espace. Sur 25 000 habitants, quatre cents personnes étaient présentes à cette réunion et à la suite de cela, deux cents se sont inscrites pour participer à la démarche. Près de cent cinquante habitants ont été présents à chaque séquence de travail, du début à la fin de l'action ; ils se rencontraient également entre eux par thématique, en inter-séquence, pour continuer et approfondir ce qu'ils souhaitaient faire ; une régularité significative de leur intérêt et de leur enthousiasme.
L'objectif, les modalités de la démarche à chaque étape et dans les différentes instances mises en place, avaient été définies en amont avec la municipalité et l'organisme de formation et d'accompagnement. Les élus ainsi que les chefs de service concernés furent associés et participants en tant qu'animateurs-référents des groupes thématiques. En fait, l'ensemble de la municipalité, comme les habitants, était engagé dans cette action particulière. Le but : un projet complet de réhabilitation de la place avec une procédure d'appel d'offre restreint formalisé sous dialogue compétitif.
Après le travail d'observation, de recherche puis de créativité des groupes thématiques, se tenait sur un week-end un séminaire, intitulé Atelier de la Création Commune, où ces mêmes habitants avec les élus et les techniciens, choisissaient et élaboraient ensemble le projet en final, à partir des propositions des groupe thématiques et ce, en présence des architectes-urbanistes retenus pour l'appel d'offre ; ceux-ci y étaient en tant que simples observateurs, sans aucune intervention de leur part, ils étaient là pour comprendre la démarche afin de répondre à l'appel d'offre en connaissance de cause. Ce projet final fut ensuite soumis à la décision du conseil municipal, seul lieu délibératif et décisionnel. J'ai appris par la suite que le projet de réhabilitation avait bien été accepté au conseil municipal, sous forme un peu restreinte compte-tenu des oppositions qui s'étaient manifestées sur un prétexte financier. En effet, nous avions pu observer au fil du temps, des tensions entre les élus convaincus de l'intérêt de cette expérience et ceux qui, pour différentes raisons, n'y adhéraient pas totalement.
Depuis, le parking a disparu, l'arc romain est libéré de ses chaînes, une perspective dégagée le relie à la Charente, des arbres ont été plantés alignés de part et d'autre de la place accompagnant les promeneurs vers le jardin paysagé qui s'en suit, les bords de la Charente ont été réhabilités.
Cette démarche de démocratie participative met en évidence que, pour qu'elle soit efficace et profitable à tous, elle doit être portée par la municipalité, intégrée dans une vision politique clairement définie et associant l'ensemble des acteurs, élus, techniciens et habitants-citoyens. Chacun participant au projet communautaire, selon sa place et son rôle, c'est-à-dire au projet choisi pour le bien de la commune, de ce qui est commun.[8]
Ainsi, certaines municipalités ont élaboré avec les habitants, une charte de la démocratie participative précisant les objectifs, les modes de fonctionnement et les moyens mis en œuvre, ainsi que l'engagement de chacun.
Également, il est intéressant de savoir que des colloques ont lieu dans le cadre de "démocratie et territoires" avec la participation de maires qui souhaitent s'informer et partager entre eux leurs expériences pour mieux comprendre et valoriser les enjeux d'une telle démarche.
Complémentarité, dialogue sont les bases de cette démarche.
Il s'agit d'œuvrer ensemble pour la cité et de non prendre le pouvoir les uns sur les autres. Une autre conception de la politique, au-delà des clivages habituels, et qui nécessite des changements profonds de comportement.
Nicole
Sète Avril 2022
[1] Pierre-Henri Tavoillot, Comment gouverner un peuple-roi ? Traité nouveau d'art politique, Ed. Odile Jacob, 2019
[2] Précision : le Président de la République élu au suffrage universel n'est pas la Nation, il en est le garant et il choisit un gouvernement pour diriger le pays avec lui, au travers de l'Etat. Sens que nous avons perdu au milieu de moulte confusions.
[3] Ibid.
[4] Un exemple concret : la commission santé environnementale a démontré que le fonctionnement cloisonné des institutions, chacun enfermé dans sa spécialité, était dommageable pour une bonne perception et analyse des problèmes complexes. De même pour la question écologique et réchauffement climatique. Une autre façon d'aborder les problèmes est nécessaire et suppose donc des organisations administratives et techniques différentes comme un élargissement des compétences des professionnels.
[5] Cela me rappelle une mission qui m'avait été donnée de réconcilier une équipe de service social et la direction au sein d'une caisse de Mutualité Sociale Agricole, MSA. Les professionnelles avaient rédigé un rapport à la demande de leur direction, sans mesurer l'enjeu politique de cette demande d'aide à la décision ; elles avaient gardé leur posture "d'assistantes sociales" et non de détentrices d'informations utiles. Déception du directeur car le rapport n'était pas ce qu'il attendait, et colère des professionnelles qui estimaient avoir fait leur travail et se sentaient déconsidérées par le rejet de celui-ci ; s'est installée une situation de blocage et d'agressivité entre les deux. J'ai accompagné l'équipe à reconsidérer la demande et à y répondre autrement, tout en accompagnant la direction à une nouvelle ouverture et l'instauration du dialogue. Action menée pendant une année, suivie de deux ans pour générer une nouvelle dynamique au sein de cet organisme, l'instauration de la complémentarité interservices et le renforcement des compétences de chacun au sein d'une cohésion d'objectifs. Je garde un profond souvenir de cette intervention car elle fut très difficile et hasardeuse au début, pour aboutir à une évolution extraordinaire de cette institution, bien au-delà des attentes envisagées préalablement, du fait du réajustement de la place de chacun et la prise de conscience de leur participation à la mission collective. Je leur adresse encore aujourd'hui mes félicitations et mes remerciements d'avoir pu partager cela avec eux.
[6] Dont les CIQ, Comités d'Intérêt de Quartier créés dès 1905
[7] Les instances professionnelles et associatives sont déjà reconnues par la municipalité et participent souvent, en tant que telles, à des consultations ou des concertations. Elles ont donc des occasions spécifiques pour s'exprimer et ne s'en privent pas.
[8] Ceci est vérifié lors du séminaire sur la participation des habitants avec les maires d'arrondissements de Marseille en 2003 (Cf. le PDF)